REPONSE A L’ARTICLE DU COURRIER DE LA MAYENNE (n° 3526) :
Comment se fait-il qu’il y ait autant de projets d’éoliennes en Mayenne ?
La première raison tient au potentiel vent très intéressant sur le département, potentiel confirmé par les 1ers résultats de production.
La seconde tient, je crois, à l’histoire particulière de la Mayenne. La mobilisation exceptionnelle contre le projet d’enfouissement des déchets nucléaires sur le Massif d’Izé en 2000 a débouché sur une réflexion collective sur l’énergie. De nombreuses structures ont travaillé sur cette problématique ainsi qu’un certain nombre d’élus. Le voyage d’étude à Fribourg en Allemagne, dans le « Baden Würtenberg » a sans doute été un élément déclencheur. Les participants ont compris que les énergies renouvelables ça fonctionnait bien là bas, que c’était du sérieux et qu’il était grand temps de s’y mettre chez nous.
La 3ème raison tient au fait que 76% des français sont favorables au développement de l’éolien dans leur région. La ressource vent est gratuite, inépuisable, disponible et surtout propre et sans impact sur le climat car elle n’émet ni gaz à effet de serre, ni déchet nucléaire.
Enfin, la dernière raison relève de l’objectif du grenelle de l’environnement de porter à 23% la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national. L’état a donc inscrit la réalisation de 25 000 MW éoliens dont 19 000 terrestres d’ici 2020. Ce qui portera de 10 à 15% la part de l’éolien dans la production d’électricité (sensiblement l’équivalent de la production hydraulique aujourd’hui).
La Région Pays de Loire et le département de la Mayenne ambitionnent de contribuer fortement à l’atteinte des objectifs nationaux.
Niche fiscale et coûts ?
Tout d’abord, il faut repréciser que le tarif de rachat du MWh éolien a été fixé à 82E pendant 10 ans, puis entre 28 et 82E pendant les 5 années suivantes, selon la productivité des parcs. L’intervention publique n’est pas spécifique à l’éolien ; les filières nucléaires et hydrauliques ont bénéficié d’un soutien beaucoup plus important. Le coût supplémentaire de l’éolien est temporaire et s’élève à 2.25E par ménage par an au travers de la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité). On estime qu’en 2020 avec les progrès technologiques de l’éolien le solde sera bénéficiaire au niveau CSPE. L’éolien sera alors l’énergie électrique qui aura le moins bénéficié de fonds publics, contrairement à ce qui est dit par ses opposants. Notons aussi qu’avec la disparition de la taxe professionnelle, les éoliennes sont de plus en plus taxées par un système complexe de redevances, c’est tout le contraire d’une niche fiscale !
Un objectif de 2000 MW d’éolien terrestre installés à terme en Pays de Loire représenterait 23.6 millions d’Euros de recette fiscale, essentiellement à destination du bloc communal, mais également à destination des départements et des régions.
Maintenant venons en aux comparaisons de coûts de l’énergie électrique :
Si l’on veut comparer le coût du MWh éolien aujourd’hui, il faut le comparer avec le MWh nucléaire EPR et non avec celui des centrales amorties, qui ont été largement financées par des fonds publics comme vient de le notifier le récent rapport de la Cour des Comptes.
MWh EPR nucléaire /MWh éolien : Les chiffres sont à peu près équivalents pour le bureau d’étude européen « Emerging Energy Research », de l’ordre de 83E. De nombreux bureaux d’études américains dont « The Institude for Energy and Environnement Research » donnent un avantage de coût à l’éolien car ils considèrent que dans l’éolien tout est compté (coût de production, raccordement, assurance, démantèlement), alors que le nucléaire n’intègre pas tous les coûts.
Le coût du MWh nucléaire :
- N’intègre pas le coût de l’assurance car aucune compagnie d’assurances au monde n’accepte de couvrir le risque, d’autant plus depuis Fukushima.
- N’intègre que partiellement le coût du démantèlement des centrales.
- N’intègre pas le coût de gestion des déchets nucléaires.
- N’intègre pas directement le coût de raccordement (lignes THT).
- Ne prend pas en compte les externalités.
Pourtant si l’on souhaite comparer les coûts réels, il est indispensable de chiffrer, ou pour le moins évoquer, ces coûts externes qui ne sont pas pris en compte dans le coût de l’énergie, mais payés par la collectivité ou les générations futures. Dans les externalités, il est indéniable que les énergies renouvelables en général et l’éolien en particulier sont largement compétitives face à toutes les autres formes de production énergétique.
La comparaison des coûts montre aussi que le prix du MWh électrique des centrales à gaz à cycle combiné est évalué à 91E, c'est-à-dire en forte augmentation à cause du prix du combustible gaz importé.
Mais cette production n’est-elle pas nécessaire en Mayenne ?
Une éolienne de 2 MW de puissance produit dans le Nord Mayenne environ 5000 MWh (cf. RTE). Les nouvelles machines de 3 MW vont produire 7000 à 7500 MWh ; c’est considérable à l’échelle de territoires ruraux comme le nôtre. Songez que la communauté de communes de Bais (4850 hbts) consomme 35.000 MWh d’électricité totale par an. Les neuf éoliennes prévues, produiront plus d’électricité que nous n’en avons besoin, nous exporterons donc le surplus vers les communes voisines.
Autre exemple : Une éolienne de 3 MW de puissance peut couvrir les besoins électriques totaux d’une commune de 1000 habitants.
Pour la Mayenne, 100 éoliennes pourraient couvrir 20% de la consommation électrique totale du département, voire plus si nous sommes capables de baisser la consommation en évitant les gaspillages et en améliorant l’efficacité énergétique.
Contrairement à ce qui est affirmé dans l’article, les éoliennes tournent au moins 80% du temps. Entre 10 et 36 km/heure (C'est-à-dire entre 2.8 et 10 m/seconde) la totalité de l’énergie du vent disponible est convertie en électricité, la production augmente très rapidement.
A partir de 36 km/h (10 m/seconde) l’éolienne approche sa production maximale.
A 45 km/h (12.5 m/seconde) l’éolienne produit à pleine puissance. A partir de 90 km/h (25m/seconde) l’éolienne est arrêtée progressivement si cette vitesse se maintient pendant plus d’une heure. Cela n’arrive que sur certains sites exposés quelques heures par an durant les fortes tempêtes.
Pour ce qui est de l’équilibre du réseau, RTE sait parfaitement intégrer la production éolienne car elle est précisément prévue à l’avance par les progrès météo. L’Espagne a réussi sans problème à intégrer 60% d’électricité éolienne sur son réseau.
Donc vous croyez à cette énergie renouvelable ?
Dans le monde aujourd’hui :
- 67% de l’électricité est produite à base de combustibles fossiles.
- 16% à base d’hydraulique
- 13% à base de nucléaire
- 4% à base d’autres renouvelables dont l’éolien.
L’agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit une diminution du nucléaire à cause de la fin de vie de nombreuses centrales. Elle prévoit par contre un développement massif des énergies renouvelables dont l’éolien.
L’éolien est une source d’énergie mature qui se développe dans tous les pays du monde, les pays pauvres comme les pays riches. Sa technologie va encore progresser et la rendre encore plus compétitive. C’est une énergie décentralisée qui assure une certaine autonomie et une indépendance énergétique. Elle va devenir un élément de stabilisation des coûts électriques puisqu’elle ne dépend pas de la flambée des cours du pétrole, de l’uranium ou du gaz. La particularité de la France, sous l’influence de l’atome est de lui dresser tous les obstacles possibles, notamment l’amendement Ollier dans le grenelle 2 de l’environnement et de ne pas tenir ses engagements :
- Engagement de 21% de l’énergie électrique d’origine renouvelable en 2010 non tenu, nous sommes à 15%.
- Installation de 850 MW éolien en 2011 contre 1400 prévus dans le grenelle de l’environnement.
- Engagement remis en cause de 25 000 MW éolien pour 2020, dont 19 000 terrestres et 6 000 offshores.
De plus, les recours systématiques, après l’obtention de permis de construire déjà difficiles à obtenir, constituent maintenant un nouveau business avec des avocats spécialisés : il faudra un jour faire la lumière sur ces procédures, savoir d’où vient l’argent ? Il faudrait être bien naïf pour ne pas voir la liaison étroite entre le lobby nucléaire et les deux principales organisations anti-éoliennes nationales ; la FED du président d’honneur Giscard d’Estaing et Vent de Colère dont la matière grise émane de l’association inconditionnelle de l’atome « Sauvons le climat » parrainée par Jean-Pierre Chevènement, Michel Rocard, Jean-Marc Jancovici, … etc…
Les recours sont souvent l’œuvre de possédants de châteaux ou autres maisons de caractères qui ne supportent pas la vue d’un bout de pale depuis leur demeure. Ils émanent aussi d’habitants de grandes villes qui, venant les week-ends et les vacances dans leur résidence secondaire, n’acceptent ni le chant du coq, ni l’odeur du fumier, ni la vue d’une éolienne.
Que proposez vous ?
Je propose une transition énergétique profonde avec le développement de la sobriété et de l’efficacité énergétique, couplé avec le développement massif des énergies renouvelables. Nous pouvons avoir un confort équivalent avec des économies d’énergie considérables et une meilleure efficacité. Il faut modifier profondément ce couple nucléaire/chauffage électrique qui nous coûte très cher et nous amène à des situations de pics ingérables.
Toutes les énergies renouvelables sont à développer car elles sont complémentaires. Ce sont ces énergies de flux qui sont l’avenir alors que les énergies de stock (pétrole, uranium, gaz, charbon,…) appartiennent au passé. C’est aujourd’hui que l’on doit préparer l’avenir. Différentes options sont possibles : le Scénario Négawatt paru récemment est un scénario sobre, efficace et économique, il préserve les intérêts des générations futures. Les différents acteurs de ce scénario sont des scientifiques dont la pratique dans le domaine de l’énergie depuis trente ans est un gage de crédibilité incontestable.
Par ailleurs, n’oublions pas que l’éolien, comme toutes les énergies renouvelables, est un levier de développement de l’emploi durable très efficace. Nous ne pouvons que regretter que la France n’ait pas cru bon de développer très tôt cette filière industrielle. Mieux vaut tard que jamais, la Région Pays de Loire possède tous les atouts.
Débat sur l’Energie ?
Il doit y avoir bien évidemment un débat sur toutes les sources d’énergie électriques, mais plus globalement sur l’ensemble de l’énergie dont l’électricité ne représente que 23%. Le transport, par exemple ou l’électricité intervient peu, est un secteur important, gourmand en énergie et fortement émetteur en gaz à effet de serre. Le débat doit avoir lieu à tous les étages ; il n’est pas envisageable que le nucléaire bénéficie d’un traitement particulier comme dans le grenelle de l’environnement, ou comme il est relaté dans le rapport Besson 2050. L’élection présidentielle peut être une étape dans ce débat qu’il faudra organiser en mettant toutes les cartes sur la table, y compris les relations obscures, entre nucléaire civil et militaire, souvent cachées sous le Secret Défense.