Dès 1 945, le général De Gaulle, chef du gouvernement provisoire depuis le 3 juin 44, décide d'autorité de créer un ministère de la guerre nucléaire qu'il désigne sous l'euphémisme de CEA (Commissariat à l'Energie Atomique, aujourd'hui l'une des composantes du géant Areva). Disposant d'importants crédits secrets, sans aucun contrôle parlementaire, le CEA ne dépend donc que du seul chef de l'Etat (nous en sommes toujours là actuellement: l'Elysée seule décide de la relance du nucléaire en commanditant la construction de deux EPR, bien avant la conclusion des pseudo débats publics censés apporter un soupçon de démocratie au projet).
Le but à peine voilé de la création de cet organisme, c'est évidemment de doter le pays de LA bombe, après la démonstration étatsunienne de son efficacité à Hiroshima et Nagasaki. Le CEA se voit ainsi confier la charge des recherches nucléaires pour des applications aussi bien industrielles (EDF fut créée l'année suivante en 46) que militaires: c'est donc depuis leur genèse que nucléaires civil et militaire sont intimement imbriqués dans la plus grande opacité liée au péremptoire "secret défense".
Les ingénieurs du CEA ont donc mis les bouchées doubles afin de mettre au point la première bombe atomique française. C'est le 13 février 1 960 qu'explose "Gerboise bleue", la 1ère bombe nucléaire au plutonium (70 kt), à Reggane, dans le désert du Sahara algérien. Ce premier essai, ainsi que les 3 suivants, sera aérien; puis, de 61 à 66, treize tirs souterrains seront effectués, dans le massif Tan Afella à In Ekker; et enfin, de 66 à 96, 41 essais atmosphériques et 152 sous-marins dans les lagons polynésiens de Moruroa et Fangataufa. L'un de ces tirs ("Béryl", 30 kt, 1er mai 62) a littéralement fait exploser la montagne, libérant des quantités considérables de radio-éléments dans l'atmosphère; 50 ans après, Roland Desbordes, président de la Criirad, s'est rendu sur les lieux muni d'un scintillomètre gamma qui détectera une radioactivité de "plusieurs milliers de fois le bruit de fond naturel". "C'est la première fois que cet appareil sature sur le terrain" déclarera-t-il.
Durant toutes ces années, de 60 à 96, 150 000 appelés du contingent ont été exposés à la contamination radioactive due à ces quelque 200 tirs (On estime que tous les essais atomiques mondiaux ont libéré environ 430 mégatonnes d'énergie nucléaire artificielle, soit l'équivalent de plus de 20 000 bombes type Hiroshima!). Si le ministère de la Défense estime à "quelques centaines" le nombre de cancers radio-induits suite à ces expositions, à l'inverse, une enquête réalisée en 2 004 sur un panel de 900 vétérans a révélé un taux de 30 % de cancers radio-induits. Regroupés au sein de l'AVEN (Association des Vétérans des Essais Nucléaires), les vétéransont fait entendre leur voix, non sans résultats: le Parlement a adopté une loi (publiée au journal officiel le 5 janvier 2 010) sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Mais qu'en est-il des conséquences sur l'environnement et les populations civiles locales d'Algérie ou de Polynésie? L'Etat français, pourtant esponsable de ces pollutions radioactives répétées, se désintéresse singulièrement de ces populations bien éloignées de la métropole où s'est pourtant décidé leur avenir plus qu'incertain.
Et ce n'est pas le feuilleton du TNP (Traité de Non Prolifération), ratifié en 70 pour 25 ans par les 5 pays détenteurs de la bombe (USA, URSS, Grande-Bretagne, France et Chine) et prorogé pour une durée indéterminée en 95 par 170 pays, qui rassurera les populations: la Corée du Nord se retire du TNP en 2 003; quant à l'Iran, pourtant signataire, il joue avec les nerfs des inspecteurs de l'AIEA. Ainsi, "le TNP forme un bouclier plein de trous face à une menace -la prolifération- qu'il n'a pas fait disparaître..." (Olivier Zajec, chargé d'études à la Compagnie Européenne d'Intelligence Stratégique)